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Levothyrox : les effets individuels de la nouvelle formule auraient été mal évalués

Deux ans après la mise sur le marché de la nouvelle formule du Levothyrox et la polémique qui a suivi, une nouvelle analyse suggère que l’évaluation faite par le laboratoire Merck pour mettre ce médicament sur le marché ne prenait pas suffisamment en compte les effets secondaires possibles, propres à chaque individu.

Les variations individuelles pourraient expliquer les effets indésirables ressentis avec la nouvelle formule de ce traitement pour la thyroïde, dont se sont plaints quelque 30.000 patients, d'après cette analyse.

Sommaire

  1. A l’origine du scandale Levothyrox
  2. Bioéquivalence moyenne ou individuelle : l’étude qui donne raison aux patients
  3. Merck insiste sur “la pertinence et à la rigueur scientifique de l’approche” utilisée

Les gens ne sont pas des moyennes et quand on impose à plus de 2 millions de personnes une substitution, on doit mieux étudier les variations individuelles” propre à chacun, déclare à l’AFP le professeur honoraire Pierre-Louis Toutain, co-auteur de l’étude.  Ces variations individuelles pourraient expliquer les effets indésirables ressentis avec la nouvelle formule de ce traitement pour la thyroïde, dont se sont plaints quelque 30.000 patients, d’après cette analyse publiée dans la revue spécialisée .A l’origine du scandale LevothyroxLe 

Levothyrox (

lévothyroxine) est indiqué pour traiter les 

hypothyroïdes ou les situations où il est nécessaire de freiner la sécrétion d’une hormone stimulant la thyroïde appellée 

TSH. Trois millions de patients prennent ce traitement en France pour hypothyroïdie ou après une opération de cancer de la thyroïde. A la demande de l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), le laboratoire Merck a lancé une nouvelle formule de son médicament, car des différences de teneur en lévothyroxine d’un lot à l’autre mais aussi au cours du temps pour un même lot avaient été constatées. Ces fluctuations pouvaient être à l’origine de perturbations de l’équilibre thyroïdien chez les patients. Le changement de formule ne concerne pas le principe actif (la lévothyroxine, une hormone de substitution) mais porte sur des substances, appelées “excipients”, qui lui sont associées : le lactose a été remplacé notamment par le mannitol. 


Mais rapidement, des patients se plaignent de symptômes divers et d’effets indésirables tels que fatigue intense, crampes, mal de tête, prise de poids, constipation, mal à se lever le matin pour aller au travail et surtout vertiges. Des plaintes parfois attribuées à un effet “nocebo” (apparition d’effets indésirables d’origine psychologique) au grand dam des patients. Plusieurs

enquêtes de pharmacovigilance conduite par l’ANSM ont confirmé une fréquence plus importante que prévue d’effets indésirables (estimée à 1,43% des patients). L’analyse des données ne “permet pas d’identifier d’éventuels patients à risque et ne permet pas de proposer d’hypothèse à la survenue de ces effets indésirables“. Depuis octobre 2017 et la mise à disposition d’alternatives thérapeutiques, le nombre de signalements a nettement diminué. Mais beaucoup s’interrogent sur la gestion de cette crise, n’aurait-on pas pu prévoir qu’un tel changement dans la formulation allait entraîner une vague d’effets secondaires, pour un médicament prescrit à 3 millions de patients avec une à marge thérapeutique étroite” (ce qui veut dire que d’infimes changements de dose peuvent induire de nombreux effets secondaires) ?Bioéquivalence moyenne ou individuelle : l’étude qui donne raison aux patientsPour mettre sur le marché le médicament modifié, le laboratoire n’a pas besoin de refaire les essais cliniques mais simplement de prouver que la dose active de levothyroxine circulant dans le corps est identique entre la nouvelle et l’ancienne formule. On parle d’essais de bioéquivalence, les mêmes études qui sont demandées par l’union européenne pour comparer les génériques au médicament de marque avant toute commercialisation. Une stratégie remise en cause par les signataires d’un

article d’opinion publiée dans 

Clinical Pharmacokinetics.Dans cet article, le professeur biostatisticien Didier Condorcet (Toulouse, Inra/Ecole nationale vétérinaire) et des collègues français et britanniques ont repris l’analyse des essais de “bioéquivalence” moyenne réalisés par le laboratoire allemand Merck et mis en ligne par l’Agence du médicament (ANSM) en 2017 par souci de transparence. Les résultats de cette analyse ont été jugés satisfaisants, permettant ainsi de remplacer l’ancienne formule de ce médicament par la nouvelle. Mais les chercheurs observent que “plus de 50% des 204 volontaires” sains qui ont participé à cet essai réglementaire se situaient en réalité en dehors de la plage de bioéquivalence (soit hors de la norme acceptée basée sur des moyennes statistiques).Cela pourrait rendre plausibles les symptômes rapportés comme contradictoires, y compris chez le même patient, relevant tantôt de l’hypothyroïdie tantôt de l’hyperthyroïdie, évoquant des sous et surdosages. “C’est un signal qui aurait dû alerter“, estime M. Toutain. “Etudier la substitution, ce n’est pas la même chose sur le plan scientifique que d’étudier un générique” poursuit-il ajoutant que les Etats peuvent demander des tests de bioéquivalences individuels adaptés comme l’on fait dans certains cas les Etats-Unis (pour la ritaline) ou la Belgique (pour la gabapentine). “J’aurais aimé que la France fasse la même chose“, dit ce chercheur, même si Merck a respecté les chiffres.Par conséquent, les auteurs s’interrogent sur “l’aptitude” de ce type d’essai de bioéquivalence moyenne à garantir que nouvelles et anciennes formulations de l’hormone thyroïdienne lévothyroxine soient substituables chez les patients. Le changement d’excipients serait susceptible d’altérer l’absorption du médicament chez certains patients, relèvent-ils.Merck insiste sur “la pertinence et à la rigueur scientifique de l’approche” utiliséeLe laboratoire Merck a réagi à la parution de cet article en indiquant que dans les autres pays, “les lancements de la nouvelle formule de Lévothyrox, en Suisse et en Turquie, se sont très bien déroulés, sans problématique d’effets secondaires particuliers et sans changement de traitements pour les patients“.Merck ajoute que “des experts indépendants se sont penchés sur ces études (de “bioéquivalence moyenne”) et ont conclu à la pertinence et à la rigueur scientifique de l’approche“.”La nouvelle formule satisfait plus de 2,5 millions de patients en France (sur 3 millions de patients sous traitement de produit à base de lévothyroxine)“, ajoute le laboratoire.De son côté, l’avocat Christophe Lèguevaques juge que “ce rapport sera très utile dans le cadre de la procédure d’appel qui réunit, à ce jour, plus de 3.000 participants“.Click Here: West Coast Eagles Guernsey

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